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Ça y est, c'est le point de chute. C'est dès maintenant que j'ai décidé de devenir moi-même. À travers la vie de fous, petite pause pour se reconnecter avec les vraies affaires...

lundi 7 juin 2010

«Ce qui me bouleverse ce n'est pas que tu m'aies menti, c'est que désormais je ne pourrai plus te croire.» Nietzche

J'ai eu deux pères. Mon père biologique et mon père de substitution, celui qui m'a aimé et élevé.

J'étais une enfant malade. Condamnée. De ma naissance à deux ans, j'ai vécu pratiquement tout le temps à l'hôpital. Ma mère était presque constamment à mon chevet. Mon père ne venait pratiquement jamais. La majorité du temps, il restait avec ma grande soeur à la maison et s'occupait d'elle. À ce qu'on m'a dit. il avait peur. Peur de moi, de ma fragilité, de ma maigreur, de ma mort latente. 

Lorsque, suite au diagnostic fatal, ma mère décida de me ramener chez moi, mes parents ont divorcé quelques temps plus tard. Et moi, bien, je ne suis pas morte. On ne sait trop la raison, inexplicable guérison.
Peu de temps après son divorce, elle a rencontré quelqu'un. Celui qui allait devenir notre père de substitution. Quand j'ai eu six ans, nous sommes allées habiter avec lui.

J'ai vu mon père à quelques reprises jusqu'à cinq ans. Je me rappelle encore, bien que toute jeune , qu'il appelait à la maison nous disant qu'il serait là dans la demi-heure. Il venait nous chercher pour la fin de semaine. Assises avec ma sœur, dans les marches de notre appartement d'Hochelaga-Maisonneuve, nous attendions avec impatience dans notre gros habit de neige, l'arrivée de notre paternel. Et il ne venait pas...Il n'appelait pas. C'est le cœur en peine et dans l'incompréhension que nous retournions derrière la porte, consolées par ma mère qui le détestait encore plus. Jamais il ne s'est investi envers moi, autant financièrement qu'affectueusement. 

Quand j'ai eu six ans, alors que nous allions former une nouvelle famille, ma mère a pris une décision: s'il ne pouvait être constant et régulier dans ses visites, il était mieux pour ma sœur et moi de ne plus voir mon père du tout, afin de ne pas nous perturber. Ne sachant trop ce qui était pour le mieux, il a acquiescé sans discuter.
Je ne sais toujours pas si cela était ou non une bonne décision.

Je me rappelle qu'il ait quelquefois appelé à la maison. Il voulait parler à ma sœur, lui souhaiter "Bon anniversaire", ou avoir des nouvelles. Je me rappelle qu'elle aie reçu de longues lettres alors qu'il demeurait dans un autre pays. Je me rappelle que jamais, dans ces discussions ou ces lettres il n'ait été question de moi...Il a toujours gardé un lien qu'avec elle.
Celui que j'ai toujours appelé papa, celui qui m'a élevé, nous a toujours considéré comme ses propres filles. Il nous a donné chaleur, affection, amour, autorité, cadre, modèle masculin. Malgré quelques différents, il a toujours su assumer à merveille son rôle de père malgré le fait que nous n'étions pas biologiquement liés. Autant avec ma soeur qu'avec moi. Nous savons toutes deux la chance que nous avons eu qu'il soit dans notre vie et qu'il aie agit ainsi avec nous.

C'est à dix-huit ans que mon père biologique a voulu me connaître. Je me suis toujours dit que maintenant qu'il n'avait plus un rond à débourser, il y voyait dorénavant un net avantage. Peut-être était-ce aussi qu'il me voyait comme une adulte avec qui il serait plus facile de renouer qu'avec une enfant. Toujours est-il que je ne l'ai rencontré qu'une fois. Une fois où, quelques jours avant cette rencontre, les souvenirs douloureux de ma jeunesse me sont revenu en mémoire. Comme celle où il avait frappé ma sœur parce que je portais un macaron sur son lit d'eau et qu'elle avait omis de me surveiller avec cette aiguille qui risquait de la briser. Elle devait avoir 6 ou 7 ans. Comme celles où j'ai vu ma sœur pleurer parce qu'il l'avait une fois de plus abandonné sans lui donner de nouvelles pendant plusieurs mois. Comme toutes les fois où il l'a déçu par des comportements ou des paroles tellement inadéquates venant d'un père. Et je l'ai rencontré. Une fois.

Je lui ai fait promettre de ne plus jamais lui faire de mal. De l'aimer, adéquatement. D'être digne de l'amour qu'elle lui portait. Je lui ai dit que c'est la seule chose que je lui demanderais dans toute ma vie. Une vie où il était sans importance. Une vie où il m'a dit qu'il avait fait comme si j'étais morte. Une vie où j'ai fait pareil pour me protéger, parce qu'un père, j'en avais déjà un.  Dernièrement, il a manqué à sa parole, une fois de plus.

J'ai eu de la chance d'avoir un père, un modèle. C'est lui qui m'a apporté la stabilité, qui m'a servi de rempart, qui a partagé mes joies et mes peines, qui m'a apporté du soutien bien souvent. Plus que ma mère, il a été a la fois confident et de bon conseil. Bienveillant. Il a été mon phare, ma stabilité.

Jusqu'à mes 18 ans, où j'ai quitté la maison, il a été là. Se sentant probablement inutile, sans place propre dans cette nouvelle vie qui s'annonçait devant moi avec mon nouvel amoureux, il m'a laissé partir. Il a cédé la place. Oublié que dans le cœur d'une petite fille, la première lui revient toujours. Il a cessé de s'occuper de moi, bien que je sache qu'il sera toujours là pour moi, pas très loin, mais néanmoins  absent. Il a semblé désemparé par de nouvelles barrières imaginaires qu'il s'est lui-même imposées et m'a laissé tomber. Je ne crois pas que ce soit par manque d'amour ou par désintérêt mais, à 18 ans, je suis devenue orpheline. Comme nombre de jeune fille au sortir ou pendant l'adolescence.

Je me demande cependant souvent l'impact qu'a eu mon père biologique sur moi, sur mon affect. Plusieurs psychanalystes s'entendent pour dire que tout se joue avant cinq ans...et moi, bien c'est à cette période  que j'ai subi son rejet/son abandon. Je me demande quels sont les effets psychologiques de cette perte. J'ai fais le deuil de un afin d'accueillir l'autre dans ma vie. Je n'ai jamais ressenti le besoin de connaître mon vrai père.

Ce  père qui n’est pourtant pas mort, toujours plus ou moins absent, exclu par celle-là même qui se plaint de son absence.

En fait, cette dernière phrase, je ne sais à qui elle appartient... mais je sais bien qu'elle est souffrance.


15 commentaires:

  1. Jamais je ne vais comprendre ces pères qui sont absents de la sorte... Touchant témoignage et tout un cheminement qui s'est effectué bravo :-)

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  2. @ Drew
    Il n'est pas terminé ce cheminement...malheureusement ou heureusement, je ne sais trop..

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  3. j'hésite à publier on texte sur le sujet... en gros, j'ai les même questionnements que toi.

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  4. @ SP4M
    Les mêmes mais inversement...je sais! J'y ai pensé en écrivant. :)

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  5. je te comprend tellement quand tu parle de ton père subtitut... moi j'ai vécu à peu près la même chose avec ma mère, mais moi maintenant ça va beaucoup mieux...

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  6. Wow mon amie!! Quel beau texte pensé et senti!!Je crois que ceux de qui tu parles devraient le lire!! Ne désespère pas, ton cheminement sera que bénéfique!!:)

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  7. Touchant. Triste. Incompréhensible, mais tellement fréquent, malheureusement...que dire? le sentiment de rejet et d'abandon sont des marques indélibiles....

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  8. Je suis incapable de répondre à tes questions. Mais je trouve ton texte très touchant, triste. Je te souhaite un peu de baume pour calmer ta douleur.

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  9. @ Marie et Maman3.0
    Ce n'est pas triste. C'est empreint de liberté, d'acceptation et de compréhension (enfin, c'est un work in progress). ;)

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  10. C'est la deuxième lecture que je fais de ton texte.

    C'est difficile de commenter des états d'âme. Il y aurait tant à dire et pourtant, c'est le silence que j'ai envie de te partager.

    Un silence sain et paisible, rassurant. Un silence qui se voudrait réparateur et bienveillant. Qui aiderait tes idées à continuer de cheminer dans tes questionnements.

    Ton dernier commentaire démontre bien la sagesse que tu dégages.

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  11. Alors bravo pour ton "work in progress"...je ne serais jamais aussi silenciseuse. Et encore moins compréhensive, bien que je suis la personne qui tente de "comprendre" trop de choses et de gens dans la vie. Mais en même temps, je ne l'ai pas vécu...

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